Des phares escamotables, une transmission façon boîte auto, des freins à disque ou encore un tableau de bord à affichage digital. Malgré les apparences, nous n’allons pas parler ici de supercars de la grande époque mais de leurs variantes à deux roues et pédales destinées à la jeunesse japonaise. Plaît-il ?
Etre un enfant mordu de voitures de sport dans les années 70 et 80 au Japon, ça avait l’air vachement bien. D’accord, sans la majorité il vous était naturellement impossible de conduire l’auto de vos rêves, mais vous pouviez pour autant vous rabattre sur des bicyclettes toutes équipées dont la technologie avait de quoi faire pâlir de jalousie les plus belles supercars de l’époque. Ou presque… Ce qui est sûr, c’est que si en rentrant de l’école ou du collège vous baviez devant des pages de magazines illustrées de Ferrari 512 BB, Lamborghini Countach et autre Porsche 911 Turbo, vous pouviez avoir un peu de ces légendes sur votre petit deux-roues de tous les jours, et accessoirement être le jeune le plus cool du quartier ! Allez, sans plus tarder, jetons ensemble un œil dans le rétro à la découverte de ce véritable phénomène japonais connu sous le terme “Junior Sports Car” ou “Supercar bicycle” !

Une compétition féroce
L’apparition du premier vélo de ce type est intimement liée à l’introduction d’une bicyclette Fuji en 1968 qui avait pour particularité de disposer d’un feu clignotant placé à l’arrière. Un bon point pour la sécurité avec en prime une petite touche de style supplémentaire. D’autres marques ont rapidement suivi en proposant sur leurs modèles des équipements électriques additionnels comme des doubles phares. La Junior Sports Car était née ! Au début des années 70, ce sont près d’une vingtaine de fabricants qui vont s’engouffrer dans ce marché naissant. Miyata, National, Bridgestone, Sekine, Tsunoda ou encore Maruishi figureront parmi les grandes marques nippones à produire ce genre de vélos atypiques, lesquels s’échangent alors en général entre 40 et 55 000 yens, soit l’équivalent de près d’un mois de salaire de l’époque ! Clairement, ces bicyclettes n’étaient donc pas pour toutes les bourses, ce qui n’a pas empêché un succès national fulgurant, et une redoutable course à l’armement de la part des différentes sociétés qui ont dû user d’ingéniosité pour produire des équipements inspirés du monde des voitures de sport toujours plus spectaculaires.
La foire au “too much” !
Ces équipements justement, parlons-en ! Outre un cadre en inox noir mat et un guidon de course, le Junior Sports Car type recevait bien souvent des phares rétractables motorisés, un levier de vitesses attaché au centre du cadre à la manière des boîtes auto, un compteur de vitesse à cadran, un freinage à disque hydraulique (que l’on retrouve sur les vélos hauts de gamme actuels !), un bloc de feux arrière séquentiels plus mortel que le scanner de KITT, ainsi que des pneus à carcasse radiale évoquant ceux des supercars. Les modèles étant renouvelés chaque année, certains fabricants n’ont pas hésité à faire dans la surenchère pour toujours susciter l’intérêt des jeunes. On découvrira ainsi des vélos à quatre phares avec d’innombrables possibilités d’illuminations, un véritable ordinateur de bord à LED et cristaux liquides chez National émettant un son lorsque l’enfant dépassait 25 km/h (ce “carillon” retentissait dès 100 km/h sur les voitures japonaises), un dispositif de lubrification de la chaîne via un bouton facilement accessible, et même un levier de vitesses à grille en H avec mécanisme électrique sur certains Maruishi !
L’inévitable déclin
Toute cette débauche d’équipements, c’était certes très cool, mais des problèmes de taille ont fini par émerger au fil des années autour de ces modèles. Très énergivore, cet attirail électrique ne pouvait se contenter d’une simple dynamo et nécessitait la pose de plusieurs petites batteries. Les vélos devenaient ainsi de plus en plus lourds (parfois plus de 20 kg), mais aussi de plus en plus coûteux (jusqu’à 100 000 yens !). Petit à petit, les ventes de ces bicyclettes ont donc décliné, jusqu’à ce que les marques arrêtent d’en produire dans la seconde moitié des années 80 au profit de deux-roues plus sobres et accessibles comme les VTT ou les BMX. La fin d’une époque ! Je ne sais pas vous, mais je regrette que cette mode, qui sera restée typiquement japonaise, n’ait pas traversé les océans pour venir jusqu’à nous. C’était tout de même autre chose que de faire mumuse avec un bout de carton placé entre les rayons, non ?
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