Crash, le film trash de la controverse

Crash film 1996

La vie est parfois drôlement faite et si je vous dis que c’est par accident que je suis tombé sur cet objet cinématographique qu’est Crash de David Cronenberg, vous penserez certainement que j’en fais des caisses dans l’introduction de ce papier. Et pourtant…

Qui aurait pu penser qu’une simple recherche internet portant sur le mot “crash” en japonais, “クラッシュ”, me transporterait vers ce traumatisme audio-visuel qu’est Crash ? Certainement pas moi. Nous sommes en 1996, la France pleure alors la mort de François Mitterrand et l’arrivée de la Mégane Scénic. Le 21 mars de cette même année Cronenberg défraie la chronique avec l’adaptation cinématographique du roman éponyme de James Graham Ballard dans lequel James et Catherine Ballard sont enfermés dans une routine sexuelle à laquelle ils essaient de mettre fin par tous les moyens, notamment en enchaînant de manière aussi frénétique que consentie leurs conquêtes extra-conjugales. Cette quête permanente de frisson prendra une tout autre tournure après l’accident de la circulation dont James est victime… 

Crash film 1996 Cronenberg  Affiche Japonaise

Relations polysexuelles compulsives et violentes

C’est dans l’hôpital dans lequel il est pris en charge que James Ballard fait la rencontre de l’une des autres victimes de l’accident, la désormais veuve Helen Remington, ainsi que celle du mystérieux Vaughan. Va s’ensuivre une longue et lente plongée dans un univers de fétichisme mêlant accidents de la route, cicatrices puis relations polysexuelles compulsives et violentes. A chaque nouvelle immersion dans cet univers chaotique et torturé, le spectateur s’imagine avoir atteint ses limites d’acceptation du malaise avant de se voir infliger par la caméra du réalisateur canadien, un nouveau niveau de déchéance. Entre les coïts à peine simulés prenant part dans des épaves ensanglantées, des performances artistiques glorifiant les crashs fatals de célébrités, ou autres odes aux liaisons corporelles mal cicatrisées, vous pourriez vous demander ce qui peut bien tenir en haleine un spectateur durant ces 1h40 de film ? Eh bien, c’est là qu’intervient tout le talent de Cronenberg, mais pas que. 

Crash film 1996 Cronenberg Hopital

Sang, sécrétions corporelles et tôles froissées

Il faut bien l’avouer, nous aurions bien du mal à rester scotchés devant tant de subversion sans l’aide d’une bande originale post-rock qui nous invite subtilement à nous déculpabiliser de tout ce voyeurisme malsain. Orchestrée par Howard Leslie à qui l’on doit notamment la musique du Seigneur des anneaux mais aussi et surtout celle du traumatisant Silence des agneaux, cette BO s’accorde à merveille à des plans léchés magnifiant les scènes dans lesquelles le sang et autres sécrétions corporelles se mêlent à la froideur des tôles froissées et du verre brisé. Si vous comptiez sur un décor dépaysant aux conditions climatiques idylliques pour vous aider à tenir le choc, oubliez ! Souvent de nuit, le cadre urbain est d’une neutralité qui n’aura d’égale que celle de l’intonation des personnages, et celle de la banalité du casting automobile du film. 

Crash film 1996 Vaughan

Vous êtes pareil !

Devant une telle débauche de perversion nous pourrions penser que Cronenberg pousse le vice un peu loin. Mais deux petites minutes… Et si tous ces personnages que l’on pourrait penser complètement dérangés du bulbe, secoués du ciboulot ou totalement délurés, n’étaient en fait que la représentation d’une grande majorité d’entre nous ? Oui, même vous ! Et si vous faisiez  sans le savoir partie de cette “secte” tribale dépeinte par le réalisateur canadien ? Oui, oui, vous qui lors des départs en vacances levez sensiblement le pied de l’accélérateur lorsqu’un accident a lieu sur la file opposée, vous qui occasionnez tous les ans des centaines de kilomètres de bouchon simplement dans l’espoir lugubre de voir un peu de sang ou autre… Eh bien, sachez que je vous déteste bien plus que des James Ballard, Vaughan, Helen Remington ou autre Gabrielle qui, eux, ne sont que fiction. Je vous invite vivement à vous regarder dans le miroir que représente Crash, puis si vous avez l’impression de perdre votre précieux temps devant cette œuvre, dites-vous simplement que c’est la durée d’un ralentissement sur l’A31 occasionné par bon nombre de Vaughan, dans la vie, la vraie… 

Crash film 1996 Vaughan photographe

Crédits photos : tower.jp – cinephiliabeyond.org

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