Après le siège c’est l’élément avec lequel nous sommes le plus intime lorsque nous conduisons, c’est celui à cause duquel de sombres snobinards comme moi vous jugeront à votre façon d’y poser les mimines. Toujours sous vos yeux, en permanence entre vos mains, vous n’y prêtez peut-être pas assez attention et pourtant, le volant représente à lui seul le reflet d’une industrie automobile qui ne peut se contenter de tourner en rond.
Au départ qu’une simple manivelle horizontale, il contribue de nos jours à offrir des programmes de fitness permettant aux commerciaux ventripotents ou jeunes cadres dynamiques d’entretenir leur silhouette, ou de limiter la casse en fonction des cas. Outre le fait de servir de support aux régulateur de vitesse, boutons de contrôle de la sono et autre menu principal, le volant endosse aussi le rôle d’ange gardien en abritant un des éléments indispensables à la sécurité passive, le fameux airbag… Avec tout ça on en oublierait presque sa fonction principale : nous permettre de diriger notre monture où bon nous semble. Uniquement dédiés à cette simple tâche jusqu’au milieu des années 80, les cerceaux d’origine ont très vite été l’un des premiers éléments à être remplacés par les amateurs de conduite sportive, mais pourquoi ? On pourrait immédiatement penser à des considérations purement esthétiques, mais non, j’ai bien évoqué ici les amateurs de conduite, alors pourquoi diable un dispositif d’apparence si simple ferait-il l’objet d’un tel rejet (lorsqu’il est d’origine) dans la quête d’une expérience de conduite ultime ?

Chasse gardée
Comme le disait Henry Ford, « La compétition automobile a commencé cinq minutes après que la seconde voiture ait été construite. » C’est dire si on a eu le temps de se tirer la bourre depuis la fin du XIXème siècle ! Mais c’est vraiment dans les années 70 que les classes moyennes purent s’essayer à la course. Sensiblement plus modestes, moins gourmandes et plus abordables, les autos étaient alors conçues comme de simples déplaçoirs que n’importe quel quidam pouvait conduire. Toutes ces nouvelles compactes enfantées par la crise pétrolière de 73 ne bénéficiaient bien entendu pas de directions assistées contrairement à certaines de leurs grosses aînées. Elles se devaient malgré tout d’offrir un certain confort d’utilisation sans pour autant négliger leur stabilité en ligne droite. Un angle de chasse important (cet angle permettant aux roulettes de chariots de supermarché de s’aligner automatiquement au sens de la marche) offre une stabilité accrue à haute vitesse au détriment d’une direction plus lourde lors des manœuvres de stationnement. Avec des vitesses max rarement supérieures à 140 km/h, le choix des constructeurs s’est naturellement tourné vers des angles de chasse réduits, couplés à des volants dignes de la barre du capitaine Sparrow, soit exactement l’opposé de ce que l’on souhaite pour rouler à rythme soutenu…

Cercle vertueux
Outre leur diamètre conséquent, les volants d’origine des années 70 avaient pour particularité d’offrir une finesse de cerceau très regrettée des amateurs d’anciennes. Cette finesse reflète à merveille la délicatesse avec laquelle il fallait alors manier les commandes. Un sentiment que l’on retrouve pour les pommeaux de vitesse d’époque, dont leur légèreté se traduisait par une véritable invitation à les mener avec soin pour ne pas brusquer de trop paresseux synchros de boîte. Et si cette sensibilité peut aussi s’avérer nécessaire à la conduite sportive, elle se manifeste en revanche à des niveaux de forces requises bien plus importants, notamment à cause du grip supplémentaire engendré par des pneumatiques de sport et bien sûr, à un volant au diamètre réduit pour plus de précision. Autant de raisons qui ont poussé les accessoiristes à concevoir des cerceaux plus gros et aux habillages moins sommaires. Au diable la glissante bakélite et bonjour le cuir (suédé ou non) ! Autre caractéristique des volants de sport et non des moindres, leur tulipage, ou plus simplement la distance qui sépare le cerceau de son moyeu, sa profondeur en somme. Une donnée à ne surtout pas négliger pour une ergonomie parfaite. Elle nous autorise une position plus ou moins allongée en disposant d’un pouvoir directionnel sans failles, les deux mains sur le volant, épaules blotties contre le dossier, tout en dégageant de la place aux jambes pour une pratique du talon-pointe plus aisée. Mais alors, que lui ajouter de plus à ce volant ?

Juste un rond, point
RIEN ! Nada ! Et ce n’est d’ailleurs pas pour rien que le dessin des volants de sport n’a pas énormément évolué depuis les années 70. Certes, il y a bien eu au milieu des années 90 la mode inspirée des monoplaces avec leur lot de parties tronquées on ne peut moins adaptées à la conduite sur route, mais pour les aficionados de cols, un simple Nardi tulipé fera amplement le job, et ce, que ce soit dans une vieillerie des années 80 ou dans un coupé des années 2000. Il n’est d’ ailleurs pas rare de voir des GT86 ou autres 370Z équipées de la sorte sans qu’elles ne paraissent anachroniques pour autant. Grâce à des enseignes comme MCR au Japon, vous pouvez même vous offrir le luxe d’installer un cerceau traditionnel dans une Nissan GT-R malgré sa transmission à double embrayage !

No future
Alors si un volant des années 70 tout droit chiné d’une brocante peut suffire à parfaire l’expérience de conduite, pourquoi les avoir bardés d’autant de commandes aussi disgracieuses ? Tout simplement parce que la conduite n’est depuis bien longtemps plus au centre des préoccupations du consommateur lambda, que la facilité d’agir sur les différents accessoires et d’adapter son allure du bout des doigts, sont des facteurs bien plus importants que le plaisir oublié de ressentir la route, la vivre et surtout, nous responsabiliser sur notre capacité à répondre ou non aux dangers auxquels elle nous expose. Étouffé par toutes les tâches qu’on lui confie, le volant est évidemment destiné à disparaître dans un futur proche qui je l’espère, ne nous imposera pas pour autant de filer droit.
Une bien jolie ode a nos cerceaux chéris, fussent-ils d’origine ou non.
La seule tentative d’évolution significative que je connaisse, outre les boutons ou autres appendices façon Citroën, ce fut le volant Nardi avec airbag. Mais fatalement avec moins de charme qu’un Nardi classique.